vendredi 17 octobre 2008

Mots de Babel, croisés.

Dans mon précédent article, je proposais une réforme de l'orthographe fondée sur d'irréfutables résultats de recherche en sciences cognitives. Cette réforme me paraissait pleine de bon sens et de logique, en plus d'être à la pointe de la modernité didactique. C'est alors que Paul, notre ami, tout simplement, souleva une objection que, de mes hauteurs noétiques, je n'avais pas aperçue : que deviendront, demandait-il, les concepteurs de mots croisés ? Une telle réforme ne menacerait-elle pas leur emploi, pierre d'assise de notre économie, elle-même déjà mise en péril par la récession mondiale ? Assailli par une si légitime inquiétude, je fus d'abord pris de vertiges, puis de douloureux maux de ventre. Paul m'avait ramené à un domaine que nous autres savants et inventeurs géniaux ignorons trop fréquemment : l'éthique. Emportés par notre élan créateur, nous mettons au point la fission nucléaire ou l'embryogénèse, sans songer un seul instant qu'un jour, par notre faute, la Wallonie sera désintégrée, et Raël cloné.

Cependant, après moult réflexion, il m'apparut que l'orthographe de Babel, loin de torpiller l'industrie des mots croisés, représentait au contraire une chance de salut pour ce secteur rendu moribond par l'apparition du Sudoku. Car le jeu des mots croisés, comme l'orthographe, voyez-vous, doit être réformé, modernisé, updaté. Ses concepteurs doivent diversifier leur activité, se mettre à la page, en s'aidant des quelques règles innovantes que je vous propose maintenant.

Tout d'abord, il est évident que la création d'une grille ne pose pas beaucoup plus de difficultés lorsqu'on change l'ordre des lettres à l'intérieur des mots. De ce point de vue le mot n'est jamais qu'une succession de lettres, nul besoin de concordance avec la langue que nous parlons. Le problème se pose surtout pour le cruciverbiste qui doit reconstituer cette grille à partir des définitions qui lui sont données. A première vue, étant donné le très grand nombre de combinaisons orthographiques auxquelles un seul mot peut donner lieu, on aurait tendance à penser que la tâche est impossible. Pourtant ce n'est pas le cas : il s'avère simplement qu'au sein du premier jeu - trouver les mots qui correspondent aux définitions - naît un second jeu - retrouver l'ordre des lettres à l'intérieur des mots. La difficulté n'est donc pas infinie, elle est seulement redoublée.

Mais plutôt que de nous attarder sur la théorie du jeu, je vous propose un exemple simple avec une grille 5x5 :


Horizontalement :
A. Un hippopotame n'en est pas une.
B. Sous les aisselles, pour le dobitchu.
C. Assassina.
D. Verbe de mouvement.
E. Traces.
Verticalement :
1. Salée ou sucrée.
2. Faire l'éloge.
3. Au prisonnier.
4. Or. - Lawrencium.
5. Personnes.



Voici la méthode à suivre pour résoudre une telle grille : comme dans les mots croisés classiques, il faut bien-sûr d'abord trouver les mots les plus évidents. Puis placer la première et la dernière lettre de ceux-ci dans la grille (puisque, je le rappelle, la première et dernière lettre doivent rester à leur place). Mettre les mots de deux et trois lettres, dont l'orthographe est immuable. Enfin, pour placer les lettres "mobiles", il faut repérer les lettres communes aux mots qui se croisent. La grille se remplit d'elle-même et l'on finit par trouver les mots qu'on avait laissé de côté lors de la première étape. Vous remarquerez que la gymnastique mentale mise en œuvre dans la deuxième phase ressemble assez à celle du sudoku. Mais la plus-value culturelle ne rend-elle pas ce jeu beaucoup plus intéressant que toutes les absurdes chinoiseries venues du pays du Soleil Levant ?

Bien-sûr les choses se compliqueraient sensiblement avec des grilles plus grandes, mais il me semble, même si je ne suis pas du tout un spécialiste des mots croisés, que cela ne serait pas insurmontable. Il faudrait sans doute proposer des définitions moins cryptiques que celles des mots croisés classiques afin de ne pas rendre la tâche trop ardue. On pourrait aussi imaginer une variante plus facile dans laquelle les mots seraient donnés directement, il ne resterait qu'à trouver les bonnes combinaisons. Mais pour toutes les mises au point, je suis partisan de laisser faire les spécialistes. Je suis certain que la direction que j'ai modestement proposée remettra la finance occidentale à flot (l'écriture, dans le reste du monde, ne ressemble à rien de rationnel, avouons-le. Quant aux sino-nippons, les fols, ils n'ont même pas d'alphabet, et c'est bien pour cela qu'ils en sont réduits à croiser des chiffres).

Alors, concepteurs et cruciverbistes, à vos plumes ! Redonnez promptement à la France ses lettres de noblesse !


Solution de la grille pour les fainéants (cliquez)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Flanmineet, le puls dlicffiie, c'est d'igrénertr que les lrettes crroepsenondt aux lngies, et les cffrihes aux clonnoes.