dimanche 9 novembre 2008

Temps du déjà-écrit

Au détour d'un chapitre de l'excellent petit livre intitulé Demain est écrit, Pierre Bayard propose la création de deux nouveaux temps grammaticaux pour rendre compte d'un curieux phénomène de contorsion du temps que l'on peut déceler dans les œuvres de plusieurs écrivains, le destin de ceux-ci ayant en effet été écrit par anticipation dans leurs œuvres mêmes. A vrai dire je ne comprends rien à la "logique" de Bayard, mais il s'agit sans aucun doute d'une proposition intéressante sur laquelle il avait conviendra de se pencher :

Le passé à venir insiste sur la dimension passée de ce qui va survenir. Il serait donc logique, en prenant l’exemple du verbe aimer, de le faire débuter par un auxiliaire au passé et de le terminer par un futur. Ainsi pourrions-nous dire J’avais aimerai pour désigner le plus précisément possible ce qui, dans les événements qui se produiront demain, s’est déjà psychiquement effectué et ne relève donc pas de l’avenir. Car ce n’est pas un futur que désigne le passé à venir, mais quelque chose qui, pour appartenir aux deux dimensions chronologiquement opposées, est irrepérable dans le temps.
A l’inverse, le futur advenu insiste sur la dimension psychologique future de ce qui s’est produit. Il pourrait donc, suivant la même logique, se composer d’un auxiliaire au futur suivi d’un verbe au passé. Ainsi pourrions-nous dire : j’aurai aimais pour décrire ce qui, dans les événements qui se sont passés hier, pour s’être enfin produit, va demain advenir, c’est-à-dire devenir pleinement nôtre.
Des formes grammaticales certes étranges et auxquelles nous ne sommes pas encore accoutumés, mais qui montrent bien, précisément par la difficulté à les formuler et à les utiliser, combien nous sommes dépendants, dans notre représentation de nous-mêmes, de schémas temporels classiques, dont les catégories scolaires nous empêchent de nous évader.